La naissance: parcours d’une vie, dernière (4e) partie

Petite histoire d’une longue randonnée en montagne

4e partie

Le samedi 14 mai dernier, j’ai attrapé mes bottes North Face, mon bâton de marche et mon CamelBack et j’ai entrepris d’essayer de réaliser une randonnée de 17 km dans les sentiers sillonnant le parc national du Mont Orford. Et je ne saurais dire à quel point cette excursion m’aura nourrie et brassée…. Dès les premiers pas sur le sentier, mon esprit créatif a commencé à imaginer une histoire parallèle à ce que je vivais : et si cette randonnée, que j’appréhendais, que je doutais de pouvoir réussir était….. Mon expérience d’enfantement? Et si j’entrevoyais l’excursion comme le travail de l’accouchement, sans aucune intervention, sans anesthésie, avec seulement mes ressources et mon instinct? Tout au long du parcours, je me suis donc mise dans la peau, les tripes et le cœur d’une femme sur le point de donner naissance, avec des personnages, un décor, des gestes, des paroles, des émotions, de la musique et des odeurs…. Et ceci m’a complètement bouleversée! Et parce qu’un enfantement, ça dure un certain temps… je vous préviens tout de suite que ce récit sera long… très long! Êtes-vous prêt(e)s à vivre avec moi cette randonnée à l’issue magique? On se revoit au sommet!


Suite de la 3e partie : ici

La naissance

Je n’ai pas trop le temps de reprendre mon souffle que les premiers pas sur la pente très abrupte me saisissent et me font douter. Furtif coup d’œil derrière mon épaule : tout le monde semble bouder ce chemin.

part 4-5

Ma mère et mon homme : Tu t’es déjà tellement dépassée, tu t’es beaucoup donnée, tu es épuisée… qu’est-ce que ça ferait au fond si pour le dernier mille, tu choisissais un chemin plus facile?
Ce que ça ferait? C’est que je le regretterais! Je sais que je n’ai rien à prouver à personne, je sais que c’est déjà beaucoup ce que j’ai fait, mais fouillez-moi pourquoi, j’ai la franche impression que tout cela ne prendra réellement tout son sens que si je vais vraiment au bout de mon parcours. Et mon parcours, c’est ça : tout ce que j’ai accompli… ET l’ascension finale!!

Ma cousine : Vas-y comme tu le sens la couz, mais sois prudente, hein?

Ma Doula : Le plus long et le plus éprouvant est derrière toi ma belle! Tu vois le sommet à présent! Il est à portée de main! Après, tu seras tellement fière, tu te sentiras tellement bien, légère, satisfaite! Je SAIS que t’es capable!!

Je tâtonne. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Mon corps n’en peut plus. Le sentier est tellement large que je ne sais pas trop comment et par où le prendre pour être efficace et ne pas me fatiguer inutilement. Je n’en reviens pas comment c’est apique, mais pour la première fois, j’avance et je SENS que j’avance. Mes mollets sont en feu. Je compte 10 pas dans ma tête, puis je fais une pause. Et je repars : 1… 2…. 3… Puis une pause. Je suis seule sur le sentier. Je n’en peux plus. Je risque un regard par-dessus les clôtures et les arbres, mais je ne vois pas tellement le décor au-delà. Alors je continue.

part 4-4

Je veux voir le paysage de ce côté de la montagne que je n’ai jamais eu la chance de contempler. C’est insensé comme j’ai mal aux chevilles et aux mollets. Je n’ai plus de souffle. J’ai chaud. Je pense que je suis pratiquement passée au travers la réserve d’eau de mon CamelBack. Mon bâton de marche est vraiment mon meilleur ami. Eddie Vedder (The long road) et Jorge Martinez (Tundra) jouent en boucle dans mes oreilles. Un autre coup d’œil au-dessus de mon épaule droite : je distingue des lacs, la forêt… le paysage se dessine enfin. J’y suis presque!! Je grimpe et grimpe encore… Le panorama se dévoile peu à peu.

part 4-2

Dernier droit : je ne regarde que mes pieds. J’arrive au belvédère. Soupire de soulagement!! J’ai les larmes aux yeux et je ris toute seule!! Je l’ai fait!!! J’y suis arrivée!!! Ouf la tête me tourne… Je regarde autour. C’est magnifique. J’ai réussi!!! Le vent est délicieux. Ma petite troupe me serre fort dans ses bras. Nous sourions, nos épaules se relâchent. Et encore un soupire de soulagement. Ma Doula est en retrait et observe discrètement.

part 4-1

Grande lampée d’eau et je pose une fesse sur la rambarde du belvédère. J’admire la vue. Je profite quelque temps du sommet de MA montagne. J’en fais le tour, je grignotte tranquillement. Je m’offre même le luxe d’une séance de Yoga, histoire d’être un peu moins raquée le lendemain matin et d’enraciner davantage ma communion avec la nature. Mon esprit s’éclaircit tranquillement. Je redescends d’un niveau et me réapproprie mon corps au fil des postures de Yoga que j’enchaîne. L’après-midi touche à sa fin. J’aurai mis grosso modo environ 7 heures à réaliser toute la randonnée. Est-ce bien ou pas? Aucune idée. C’est mon histoire. Point. Encore sur l’adrénaline, les jambes flagellantes, je jette un dernier regard avant d’amorcer l’étape finale : la descente.

La délivrance et l’après-naissance

Ouf…. Ça a beau être le jour et la nuit en terme d’intensité, pas certaine que j’avais envie de ces sensations sur encore quelques kilomètres. Descendre de manière continue sollicite d’autres groupes musculaires qui, j’ignore comment, réussissent à répondre aux commandes de mon cerveau. Encore ivre d’émotions, de satisfaction, de paysages et de nouvelles sensations, je descends doucement le large sentier de gravel nommé bêtement la 4 km, les jambes en pâte à modeler. J’ouvre la portière du CRV et m’écrase sur la banquette, toute fenêtre baissée, et je regarde la montagne. Elle n’a plus le même aspect ni la même signification qu’au petit matin. C’est comme si une éternité s’était écoulée entre temps, et l’expérience d’une vie. Je le répète, ce n’est qu’une montagne (ou… une naissance…) parmi tant d’autres, mais c’est mon expérience. C’est ton expérience. On sait quand on commence (… et encore!), mais ignorons quand cela se terminera. C’est excitant, terrifiant, épuisant, éreintant, transformateur, puissant. C’est surtout unique. Dans ma tête et dans mon cœur, j’ai semé cette suggestion que si j’ai pu le faire, je pourrai alors accomplir n’importe quoi. Si j’ai pu le faire, vous le pouvez aussi. Si vous le pouvez aussi, toutes les femmes peuvent mettre au monde leur enfant, toucher à cette transformation et à cette puissance. Si cette idée vivait déjà à l’état de dormance dans mon cœur, elle est maintenant bien enracinée et déploie sa corolle.

FIN

Pour découvrir une oeuvre poétique et inspirante présentant les « stades » de la naissance comme on ne vous les a sans doute jamais décrits : http://thematrona.com/the-holistic-stages-of-birth

Et vous, avez-vous eu l’occasion de vous laisser inspirer et transformer par votre expérience d’enfantement? Avez-vous vécu cette naissance comme une longue randonnée hasardeuse en montagne?

Namaste! Kate

part 4

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